Une grève dans l’ombre du steampunk
Ce jeu de rôle riche en récits dégage une saveur steampunk assumée et nous permet, chose rare, d’encourager une grève ! Développé par Clockwork Bird et James Patton, Duskpunk se rapproche davantage d’un jeu de plateau narratif que d’un RPG traditionnel.

Le joueur incarne un personnage qu’il ne voit jamais, pas de vue à la première ou à la troisième personne ici. On navigue plutôt entre divers lieux de la ville de Dredgeport, chacun représenté par un décor fixe. Selon la situation, plusieurs options apparaissent, avec la difficulté des tâches et leurs gains potentiels bien visibles.

Lorsque des personnages non joueurs interviennent, ils surgissent dans un style peint à la main, évoquant un Disco Elysium victorien.

Choisir sa classe, choisir sa destinée
Dès le départ, le joueur doit sélectionner une classe parmi quatre : vétéran, criminel, ingénieur ou écrivain. Ce choix détermine les attributs de départ du personnage :

  • Escarmouche
  • Faufiler
  • Endurer
  • Ingéniosité
  • Influencer
  • Intuition

Ces statistiques progressent à mesure qu’on accomplit des quêtes, et chacune peut éventuellement débloquer deux capacités spéciales.

Vient ensuite le choix du genre (il, iel ou elle) et du nom de famille, un détail sympathique qui renforce le côté jeu de rôle sur table.

Survivre dans les rues de Dredgeport
Le ton du jeu est vite donné : le protagoniste vaut moins que rien, crève de faim et lutte pour sa survie. Il doit s’adapter, se rebâtir et, lentement, gravir les échelons sociaux de Dredgeport. Mais rien n’est simple.

Le personnage possède une jauge de stress qui augmente presque à chaque échec, et ils sont fréquents. Plus elle grimpe, plus les dés lancés lors des actions sont “corrompus” : d’abord, le 1 devient une tête de mort (équivalant à zéro), puis le 2, puis le 3… jusqu’à la rupture. Quand le stress devient insoutenable, un attribut chute brutalement, forçant le joueur à se reposer pour récupérer.

Et la meilleure manière de réduire ce stress ? Prendre de la drogue. Oui, sérieusement. (On rit jaune, mais ça fonctionne.)

L’épuisement comme mécanique de tension
Outre le stress, deux autres jauges régissent la survie : la santé et l’énergie. Perdre toute sa santé provoque la chute d’un attribut, tandis que l’énergie, consommée pour la plupart des actions, peut mener à un épuisement complet. Et quand il n’y a plus d’énergie, c’est la santé qui en paie le prix.

Bref, tout est fragile, comme dans la vraie vie industrielle du XIXᵉ siècle, avec un soupçon de désespoir en bonus.

Une journée à la fois
La ville de Dredgeport se divise en plusieurs quartiers. Au début, on n’en connaît presque aucun, et l’accès aux zones se débloque graduellement. Chaque lieu offre des personnages à rencontrer, des quêtes à découvrir ou des pièges sociaux dans lesquels tomber tête première.

Les journées sont découpées en huit actions possibles : quatre le jour, quatre la nuit. Au-delà, le protagoniste est à bout de forces et doit dormir… encore faut-il trouver un endroit où le faire. Et cette simple tâche, au départ, peut devenir un cauchemar logistique.

Des dés, des risques, des regrets
Chaque action coûte quelque chose : de l’argent, des objets (qu’on peut acheter, voler ou dénicher), ou du temps. Certaines tâches exigent un test de compétence lié à un attribut.

Par exemple : dans les bidonvilles, faire les poches à quelqu’un demande un test de Faufiler de difficulté 7. Si votre score total (dés + attribut) ne dépasse pas ce seuil, c’est un résultat mitigé ou un échec. Le jeu affiche clairement les probabilités, et il est souvent possible de se préparer pour réduire la difficulté de deux points, mais cela coûte une action complète.

Un vrai dilemme tactique : se préparer et perdre du temps… ou tenter le coup et prier pour que les dés soient avec vous.

La lutte quotidienne
Le cœur du gameplay repose sur la gestion du temps et des ressources. Le joueur doit sans cesse jongler entre repos, travail, exploration et survie. Les jauges de stress, d’énergie et de santé fondent rapidement, accentuant la tension constante.

Et pendant qu’on tente de rester en vie, il faut aussi gagner sa croûte, se procurer des objets pour avancer dans les quêtes et espérer s’extirper de la mouise crasseuse de Dredgeport.

Le tout donne un sentiment d’urgence permanent, renforcé par la musique, ou plutôt, son absence.

Le son du désespoir
Le jeu n’a presque aucune musique. À la place, des ambiances sonores dynamiques s’adaptent selon l’heure et le lieu. Une corneille croasse au loin, des machines grincent, un souffle de vent glisse entre deux bâtisses…

Ce minimalisme sonore crée une immersion lugubre et une impression d’isolement totale. Et franchement, “entendre la corneille” devient un petit moment de réconfort dans ce chaos poisseux.

Un jeu d’auteur engagé
Duskpunk n’est pas un jeu d’action, c’est un jeu de rôle narratif, presque littéraire. Ses thèmes, la misère ouvrière, les traumatismes psychologiques, les conditions de travail précaires — sont abordés sans détour.

L’un des développeurs affectionne d’ailleurs les chats, la sorcellerie et le socialisme (ce qui explique la fameuse grève). C’est un jeu qui demande de la patience, de la lecture et une curiosité sincère pour ses systèmes.

Verdict : un engrenage bien huilé, mais grinçant
Duskpunk est un RPG steampunk sympathique, aux personnages bien écrits et à l’univers riche, mais il ne conviendra pas à tout le monde. Les amateurs d’action risquent de s’ennuyer ferme, tandis que les joueurs appréciant la stratégie narrative et les histoires lourdes de sens trouveront ici un terrain fascinant.

C’est un jeu qui ne flatte pas l’égo : il le malmène, le tord, puis le fait réfléchir sur la nature du progrès.

Merci à Clockwork Bird pour la copie du jeu .

Pour se procurer le jeu, c’est ici.

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