
2025 sera une année marquée par les comédies musicales au cinéma, notamment avec Sinners, KPop Demon Hunters et prochainement Wicked For Good. Mais avant la sortie de ce dernier, revisitons le premier volet sorti en 2024, qui était un de mes coups de cœur de cette année-là. (À noter que la critique ci-dessus n’a rien à voir avec mon récent visionnage de Joker: Folie à Deux, et mon besoin urgent de me détoxifier avec une vraie comédie musicale…)
Broadway à Hollywood
Wicked: Partie 1 est une adaptation de la pièce éponyme de Broadway de 2003, elle-même basée sur le roman de Gregory Maguire de 1995, qui réimagine le roman original de The Wonderful Wizard of Oz de L. Frank Baum de 1900 et le film The Wizard of Oz de 1939.
Après la mort de la Méchante sorcière de l’Ouest, les villageois (après les événements de l’histoire originale), les villageois de Munchkinland célèbrent sa mort, en compagnie de Glinda, la Bonne sorcière du Sud qui les rejoint. Sous les questionnements des villageois, Glinda se met alors à raconter l’histoire d’Elphaba, la Méchante sorcière. De sa naissance, de ses études en sa compagnie, et de comment les légendes autour de la Méchante sorcière sont plus complexes qu’elles ne paraissent…

Mise en contexte
Avant de parler du film en lui-même, je vais vous faire part de ma perspective lorsque j’avais vu le film pour la première fois.
D’abord, ce n’était pas un film que j’attendais particulièrement cette année-là. Les bandes-annonces ne me donnaient pas envie, d’autres films m’intéressaient davantage, et la polémique autour de Cynthia Erivo qui joue Elphaba m’avait exténué (les joies d’internet…).
Aussi, je n’avais pas vu la pièce de Broadway originale, même si j’en avais beaucoup parlé (je ne ferai donc pas de comparaisons). Je n’ai pas lu le livre non plus, mais j’ai vu le film de 1939 il y a quelques années, et reconnais son importance dans l’histoire du cinéma américain.

Parlant de Broadway, le dernier film adapté d’une pièce que je connaissais (Non, je ne compte pas Hamilton. Non, je ne l’ai pas vu, et oui, c’est sur ma liste.) est Cats qui, pour plusieurs raisons, n’est pas une bonne référence en la matière…
Ensuite, le film, sorti après Maleficient et Cruella, reprend le trope de « le vilain super-ultra-méga-méchant était mal compris depuis le début », un trope qui commençait déjà à devenir un cliché surfait.
Enfin, mes attentes sur le film étaient semblables à d’autres films du même genre qui me venaient en tête, à savoir, justement, les adaptations en prises de vue réelles de Disney. Et si certains d’entre eux ont amené une approche intéressante et différente de leurs films originaux animés, il est clair que, à une ou deux exceptions près, nous préférons de loin les originaux à leurs adaptations.
Ah, et j’oubliais. Je ne suis pas fanatique d’Ariana Grande non plus.
Bref, mes attentes sur le film étaient très basses. Et je n’avais l’intention de le voir (avec beaucoup de scepticisme) que parce que des amis parlaient d’organiser une sortie de groupe au cinéma pour le visionner.
Puis, quelques jours avant la sortie officielle, un Youtubeur que je suis, Sean Chandler, qui était aussi (voir plus) sceptique que moi sur le film, a dit que « depuis Harry Potter, aucun film n’avait été aussi immersif ».
Du coup, mes attentes sur le film avaient changées. Je devais confirmer ses dires.
Et il avait raison.

Une production impeccable
Que ce soit les décors, les costumes, l’univers, le monde de Wicked nous plonge dans un conte de fées coloré et vivant. Les couleurs brillent et nous frappent de splendeur, contrairement aux récentes superproductions qui, à l’exception peut-être de Barbie, se limitent à une palette de couleurs désaturées.
À l’instar des bonnes comédies musicales, le film profite des numéros de danse pour mettre en valeur des chorégraphies époustouflantes, et profite de son budget pour utiliser pleinement les décors et les plans de caméra pour accentuer la cinématographie, contrairement à une pièce qu’on ne peut observer que d’un seul plan. En parlant des chorégraphies, la trame sonore et la musique sont aussi excellentes, les chansons étant bien sûr adaptées de la pièce Broadway à succès. Defying Gravity est de loin la chanson au cœur du film, mais j’ai une préférence pour What Is This Feeling?, Dancing Through Life, et Popular.

Un choix crucial qui a aidé au film était le choix du réalisateur. En effet, Jon M. Chu est non seulement connu pour Crazy Rich Asians dont la production est tout aussi remarquable, mais aussi plusieurs films en lien avec la danse et la musique (la série Step Up, In the Heights, Jem and the Holograms, les films sur Justin Bieber…). Et on sent qu’il a utilisé les compétences acquises durant sa carrière (ignorons l’existence de G.I. Joe: Retaliation) à la réalisation de ce film.
J’ai aussi apprécié le fait que, à la manière de l’anime Dandandan, le film joue plus sur le symbolisme et la caractérisation des personnages, qui à prendre des choix illogiques. Par exemple, le fait que les étudiants portent un uniforme bleu, mais Glinda peut en porter un rose et Elphaba un noir, n’est pas remis en question par le spectateur, mais accepté tel quel. Cela dit je trouvais anormale la réaction de certains élèves devant la peau verte d’Elphaba, alors que ces mêmes élèves ont un bouc qui parle comme professeur.

Elphaba et Glinda (le « Ga » est silencieux)
Un autre point fort du film est la caractérisation des deux protagonistes, Elphaba et Glinda, et la performance de leurs actrices. N’étant pas trop familiarisé avec les deux artistes (pour Cynthia Erivo, je n’ai malheureusement pas vu Harriet et heureusement non plus Pinocchio [2022], et pour Ariana Grande, je ne l’ai vu que dans Don’t Look Up et n’écoute pas sa musique), je n’avais pas de grandes attentes, mais les deux incarnent leurs rôles à la perfection (leurs nominations aux oscars étaient méritées).
L’histoire joue également sur le contraste des personnages (et pas juste par leurs costumes). Elphaba, d’un côté, joue la fille sans chichis qui se fiche des opinions des autres, et se laisse difficilement amadouer. Glinda joue la fille populaire à la Regina George, qui est obsédée par elle-même, sûre d’elle, et déconnectée de la réalité. Mais à mesure que l’histoire avance, les deux vont démontrer de l’empathie pour l’autre et, à leurs manières maladroites (surtout pour Glinda), se supporter l’un l’autre et voir au-delà de leurs différences.
Les personnages secondaires accomplissent bien leurs tâches (particulièrement Jonathan Bailey), mais ne marquent pas autant que les protagonistes. Cela se voit surtout quand Michelle Yeoh et Jeff Goldblum, qui sont des acteurs renommés, ont des performances chantées moins captivantes (il faut dire qu’avec Erivo et Grande à côté, il fallait s’y attendre). J’ai aussi apprécié l’apparition éclair de certains acteurs de la pièce de Broadway, dont on pouvait facilement deviner, avec un sourire aux lèvres, qui jouaient qui dans la version originale.

Des tropes classiques au goût du jour
Un point caractéristique du film est l’utilisation de plusieurs tropes (ou conventions narratives) qui peuvent parfois sembler désuets, clichés ou surfaits, que le film emploie de manière authentique, sincère et assumée. Que ce soit les triangles amoureux, la « mean girl », le « jock au cœur tendre », certains commentaires de Glinda, ou du fait que plusieurs adultes dans la trentaine incarnent des étudiants adolescents, le film assume pleinement son délire, sans recourir à l’autodérision ou le bris du quatrième mur. Une telle sincérité n’a pas été vue depuis RRR.
Évidemment, c’est en partie dû au fait que le film est adapté d’une pièce d’il y a plus de vingt ans, elle-même adaptée d’un roman créé huit ans avant celle-ci. Mais je suis ravi que les réalisateurs, scénaristes et producteurs du film aient conservé cet aspect sans ressentir le besoin de le changer.

Racisme, propagande, et dons, oh my!
En tant que film, Wicked peut être vu que comme une superproduction bonbon appréciable pour toute la famille. Cela dit, il aborde une panoplie de thématiques importantes, sans ressentir le besoin de prêcher ou de briser le flot de l’histoire.
D’abord, pareillement aux mutants dans la saga X-Men, le film utilise les animaux doués de paroles, ainsi qu’Elphaba avec sa peau verte, de métaphores et d’allégories pour plusieurs causes des droits civiques, notamment avec des commentaires sur le besoin « d’arranger le problème de peau » d’Elphaba, la comparaison avec sa sœur qui est « d’une couleur de peau acceptable », ou la discrimination des animaux doués de parole qui sont ségrégés puis réduits à un état d’esclavage. (D’ailleurs, un commentaire sur la cruauté animale en générale peut être fait ici.)
D’un point de vue un peu plus méta, ces thématiques prennent plus d’ampleur avec le choix de Cynthia Erivo dans le rôle d’Elphaba. En effet, avant la sortie du film, Erivo, qui est d’origine nigérienne, a reçu beaucoup de critiques dans certains cercles d’internet (les mêmes qui critiquaient qu’Halle Bailey fasse Ariel dans la nouvelle version de The Little Mermaid…). Ainsi, les commentaires discriminatoires des autres personnages devant la peau verte d’Elphaba prenaient un double sens inattendu.
Une autre allégorie qu’Elphaba peut également incarner est celle des enfants « bâtards ». En effet, née d’une histoire adultère de sa mère, elle a toujours été rejetée par son père qui a en horreur sa peau verte (comme si la faute de sa mère la marquait à vie depuis sa naissance). Ainsi, on pourrait se demander pourquoi Elphaba doit subir les conséquences des choix de ses parents avant même d’être en âge de raisonner.

Sur le sujet de la diversité, le film l’utilise à pleine essence et de manière naturelle, sans se donner des idées de grandeurs ou des éloges pour autant. Particulièrement, l’utilisation du personnage de Nessarose remet en question certaines idées préconçues envers les personnes paraplégiques. Sur une autre note, l’histoire défie l’idée d’une conformité absolue, en démontrant à plusieurs reprises que ce qui rend les gens uniques et différents est un talent ou un don à cultiver, et non une honte à cacher.
Le film aborde aussi la propagande, l’histoire révisionniste, et l’abus des personnes en position d’autorité. Ces thèmes étaient déjà présents dans l’histoire originale de The Wonderful Wizard of Oz (où on apprend que le magicien d’Oz en question n’était qu’un charlatan depuis le début), mais prennent une toute nouvelle ampleur ici, confrontée au personnage d’Elphaba, et le sujet d’avoir « un ennemi commun pour rassembler » est abordé. Le tout nous fait douter de la prémisse originale de l’histoire, si la Méchante sorcière était réellement méchante, et si le peuple avait raison de ne pas pleurer sa mort.

Une première partie complète
J’ai aimé que le film s’arrête à un point qui, tout en nous donnant l’envie de voir davantage, nous donne une histoire complète, notamment en donnant un arc narratif à Elphaba qui se conclut à la fin de l’histoire. On ressent qu’il y a plus à explorer, et le mystère sur Elphaba, Glinda et les autres n’est pas encore résolu, mais le film demeure satisfaisant comme première partie, et non décevant.
Conclusion
Malgré mes attentes basses au départ, Wicked: Partie 1 était de loin mon film préféré de 2024 (The Wild Robot étant deuxième). Que ce soit sa production méticuleuse, la performance d’Erivo et Grande, la trame sonore mémorable, son approche unique, et son souci d’aborder différentes thématiques avec complexité, ce film demeurera un classique que plusieurs films avaient tenté de produire sans succès. Et il ne reste qu’à espérer que Wicked For Good soit tout aussi spectaculaire.

Pour visionner le film, c’est ici.


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