La naissance d’une vengeance sanglante
Sombre, dérangeant et viscéral, Blood – Crawling s’impose dès son premier tome comme un manga qui refuse tout compromis. Loin des récits classiques de fantasy ou d’héroïne idéalisée, Yuki Azuma nous emmène dans un univers médiéval où la cruauté humaine règne sans partage, et où une jeune princesse brisée devient le visage de la vengeance absolue.

Une tragédie fondatrice
L’histoire s’ouvre sur le destin tragique d’Evita, princesse d’un petit royaume paisible soudainement ravagé par une attaque sanglante. En quelques pages, tout bascule : sa famille est massacrée, son château réduit en cendres, et la jeune fille capturée, vendue et exploitée dans les bas-fonds du monde qu’elle croyait civilisé. Rebaptisée Priscilla, elle subit l’humiliation, la violence et la perte d’identité, autant d’épreuves qui vont nourrir sa haine et son désir de revanche.

Le récit prend alors des allures de descente aux enfers. Chaque chapitre explore un peu plus la déshumanisation du personnage, jusqu’à ce que naisse, sous la surface de la douleur, une force nouvelle. Evita cesse d’être victime : elle devient prédatrice. Ce basculement est la clé de lecture du manga, une renaissance macabre, où le sang devient symbole de pouvoir et de liberté.

Un récit sans concession
Yuki Azuma ne cherche pas à ménager son lecteur. Le ton est brutal, cru, parfois choquant. Les scènes de guerre, de torture ou d’abus sont dépeintes sans fard, non pas pour le sensationnalisme, mais pour exposer la réalité d’un monde dépourvu de compassion. Cette frontalité en rebutera certains, mais c’est précisément ce qui confère à l’œuvre sa force émotionnelle : la souffrance d’Evita n’est jamais esthétisée, elle est vécue, subie, transcendée.

L’auteur explore aussi la violence du pouvoir masculin et la place de la femme dans un univers patriarcal. À travers le parcours d’Evita, il interroge la résilience, la dignité et la possibilité de se reconstruire dans un monde où le corps féminin n’est qu’un outil. L’érotisme y est présent, mais toujours au service du propos : la domination et la revanche.

Une esthétique glaçante et magnifique
Le dessin de Yuki Azuma renforce cette atmosphère suffocante. Son trait, à la fois élégant et nerveux, oscille entre beauté et horreur. Les visages expriment la terreur, la colère et la détermination avec une intensité rare. Les jeux d’ombre et de lumière traduisent la lutte intérieure d’Evita : sa part d’ombre grandit à mesure que sa douleur se transforme en puissance. Certaines planches sont d’une violence graphique saisissante, d’autres d’une grâce presque tragique.

Une œuvre pour lecteurs avertis
Blood – Crawling Princess n’est pas un manga pour tout le monde. Son ton adulte, sa violence explicite et son thème de vengeance implacable le réservent à un public averti. Mais pour ceux qui recherchent une œuvre forte, qui dérange et fascine à la fois, ce premier tome est une réussite.

Azuma signe ici un conte sanglant sur la perte et la renaissance, porté par une héroïne inoubliable. Si la suite maintient ce niveau d’intensité, Blood – Crawling pourrait bien s’imposer comme l’un des récits de dark fantasy les plus marquants de ces dernières années.

Merci à Interforum pour la copie du livre.

Pour se procurer le manga, c’est ici.

Auteur

Avatar de Pascal Emond

Article écrit par

Laisser un commentaire