La réalité peut parfois être plus étrange que la fiction. Quand Derek Cianfrance est tombé sur l’histoire du criminel notoire Jeffrey Manchester, il savait qu’il détenait le matériel pour son prochain film. Mettant en vedette Channing Tatum, Kristen Dunst, Ben Mendelsohn, LaKeith Stanfield, Juno Temple, Melonie Diaz, Uzo Aduba, Lily Collas, Peter Dinklage et plus encore, Roofman est une comédie biographique qui relate les mésaventures absurdes du célèbre cambrioleur.

De McDonalds à Toys “R” Us
Jeffrey Manchester, vétéran, se fait arrêter après avoir cambriolé 45 McDonalds en se faufilant par leurs toits (ce qui lui a valu le surnom de « Roofman »). Ne souhaitant pas passer les 45 prochaines années en prison, Manchester trouve l’occasion parfaite pour s’enfuir. Une fois évadé, il atterrit à la ville de Charlotte en Caroline du Nord, et parvient à se faire une nouvelle vie et à s’échapper des autorités grâce à sa cachette à toute épreuve : un coin dissimulé d’un Toys “R” Us…

Un Walter White incompétent
L’expression qui m’est venue en tête à la sortie du film.
Comme son alter ego fictif de Breaking Bad, Manchester utilise son savoir-faire et ses compétences exceptionnelles pour prendre des choix insensés et dangereux. Il se justifie même en disant qu’il fait cela pour sa famille, même si celle-ci ne lui demande rien. Ce qui le différencie, par contre, est son côté bouffon, enfantin, et naïf. À plusieurs reprises, il fait preuve de politesse envers ses victimes, quoiqu’on ignore si c’était un acte de gentillesse sincère, une technique de manipulation, ou une justification intérieure de ses crimes.

Sympathie pour le vilain
Le film, suivant Manchester, se met sur son épaule et nous invite à voir la situation de son point de vue. Cela crée une dissonance intrigante entre le côté chaleureux et sympathique du protagoniste qui fait que tout le monde l’admire, et la réalité que durant tout le film, il ment, vole, menace, extorque, traque et espionne ses victimes. Ce sentiment est semblable à des histoires comme, outre celui mentionné plus haut, Death Note, Fight Club, Taxi Driver, The Wolf of Wall Street, Joker, etc. avec un ton différent.
Sur ce point, j’applaudis la performance de Tatum. Il assume bien le rôle du personnage, que ce soit son côté charmeur, manipulateur et bouffon. Les personnages secondaires enrichissent sa performance également, notamment Dunst, Stanfield, Dinklage et Lily Collias.

Home Alone version adulte
La phrase sortie de mon accompagnateur à la fin du film.
Dévaliser 45 McDonald’s et se cacher dans un Toys “R” Us pendant six mois est un la prémisse d’un scénario loufoque, comme ceux de Kevin McCallister. La différence étant qu’au lieu de protéger sa maison de criminels pour Noël, Manchester cambriole de Toy’s “R” Us pour pouvoir vivre sa vie échappée aux autorités. En plus des différents scénarios qui nous viendraient en tête si on se demandait « Que feriez-vous si vous étiez enfermé toutes les nuits dans un magasin de jouets sans surveillance ? », quelques références et easter eggs m’ont également fait sourire (notamment un t-shirt de Naruto.)
En plus d’être une comédie, le film joue aussi sur le suspense, où l’on se demande en boucle comment la police réagira, comment Manchester se sortira de cet ennui, et quel incident sera la cause de sa chute.

Leçon d’avidité et de superficialité
Avant d’aller plus loin, il faut comprendre que le film est avant tout une comédie légère conçue pour divertir, et que les réflexions sur les thématiques et le message de l’histoire sont probablement plus poussés que le film ne l’aurait voulu.
Un défaut récurrent du protagoniste est son sentiment de devoir « acheter » l’affection de ses proches par des biens matériels. Que ce soit son ancienne famille ou la seconde qu’il tente de se rebâtir en captivité, il enchaîne les cadeaux extravagants, alors qu’on lui demande seulement d’être plus présents pour ses proches. Dans certains cercles sociaux (surtout en ligne), on réduit la valeur d’un homme à son argent et à comment il « pourvoit » financièrement sa famille. Cette mentalité simpliste peut non seulement inciter certains hommes à négliger tout le reste afin d’acquérir plus d’argent, mais peut aussi en pousser d’autres à en obtenir par n’importe quel moyen, au détriment d’autrui.
Mais au-delà des rôles de genres, le besoin de surperformer dans une relation est aussi un problème, surtout au détriment de besoins réels (par exemple, acheter des fleurs au lieu de passer du temps avec ta compagne en détresse). En plus du fait que nous sommes dans une société qui encourage la surconsommation, on oublie parfois aussi que les romances dans la fiction sont des fantasmes, et pas des objectifs réalistes pour de véritables relations saines. (Durant une conversation entre amis, ont avait discuté des gestes frivoles ou des cadeaux somptueux mais superficiels de certains ex qui, avec le temps comme Manchester, se sont avéré être problématiques.)
Enfin, la banalité du mal et l’autojustification me venaient en tête. Non seulement car le film, avec son ton loufoque, nous invite à ne pas trop prendre au sérieux les crimes du protagoniste (aussi graves qu’ils soient), mais aussi car on le suit en train de se justifier ses actes, tel un Robin des Bois moderne. Mais il m’était clair que, à la manière de Walter White, Light Yagami, Tyler Durden et d’autres personnages similaires, ses excuses ne sont qu’un camouflage pour dissimuler ses ambitions cachées et son manque de considération pour autrui.
J’ai d’ailleurs aimé que, dans les crédits, on montre des scènes réelles de chaînes de nouvelles qui relatent l’incident qui, contrairement au film qui suivait le point de vue de Manchester, nous nous visionne les faits d’un point de vue plus objectif.

Basée sur des faits « réels »
Si vous êtes familiarisés avec les films basés sur des faits réels, vous saviez que cette phrase est plus subjective qu’autre chose… Cela dit, le directeur a dit en entrevue qu’il avait interviewé Manchester ainsi que différentes personnes touchées par l’incident. Il se peut donc qu’il ait eu accès à des informations que je n’ai pas pu trouver en ligne. Par contre, j’ai remarqué que certains détails avaient été changés pour le film.
Le premier changement majeur concerne le personnage de Kristen Dunst, qui joue Leight Wainscott, une femme que fréquence Manchester lors de son escapade au Toys “R” Us. Contrairement à la vraie vie, Wainscott travaille au magasin de jouets dans le film, et ce changement influence tout le reste du scénario. Autant cela permet de rendre son personnage plus actif et de créer une ligne directrice entre les événements, autant savoir que c’est ajouté nuit un peu à la crédibilité de certaines scènes.
Aussi, la sous-intrigue avec le personnage de LaKeith Stanfield n’est venue nulle part dans mes recherches. Il est possible que le directeur ait récolté des informations supplémentaires que le public ignore, mais le rôle de Stanfield me fait douter que Manchester ait avoué avoir fréquenté ce type de personne.
D’autres changements concernent la simplification des lieux et de l’intrigue, des modifications de certaines scènes à des fins comiques ou dramatiques, ainsi qu’à quelques ajouts pour le côté « Robin des Bois » de Manchester…
Cependant, ce sont ses changements qui font les défauts du film. Plusieurs actions des personnages rendent le scénario incrédule, soit par le côté caricatural des personnages ou de la scène, soit par des actions hors caractère des personnages. Le personnage de Dinklage, par exemple, semble grandement exagéré pour le film. Plusieurs comportements des membres de l’église que visite Manchester durant son escapade sont critiquables d’après leurs points de vue. Et la sous-intrigue avec Stanfield renforce la stupidité des actes de Manchester, qui perdent de leur sens si ce personnage existe.

Conclusion
Roofman est une comédie agréable qui met en valeur les talents de ses acteurs. En s’inspirant d’une histoire rocambolesque, il vous divertira un moment, malgré certains temps de longueurs. Si vous cherchez quelque chose de nouveau à regarder à la maison en groupe, ce film conviendra amplement.

Merci à Paramount Pictures pour la projection en avant-première!

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