Une nouvelle édition d’un classique français
Amateur de Sherlock Holmes, Agatha Christie et d’autres auteurs de romans policiers, je ne pouvais pas passer à côté de cette adaptation à la sauce japonaise d’un classique du genre : Arsène Lupin. L’œuvre de Maurice Leblanc (1864 – 1941) est devenue intemporelle, même Netflix en a fait une série : Lupin, avec Omar Sy en tête d’affiche. Alors, pourquoi pas une version manga, me direz-vous. Réalisée par le mangaka Takashi Morita, la première parution date de 2015 et ne comptait que cinq tomes. Toutefois, les Éditions Kurokawa nous proposent en 2022, une nouvelle édition en dix tomes, complétant la série parue il y a quelques années. Le premier tome, sorti le 12 mai 2022 et fort de 256 pages, nous permet de bien commencer cette collection et de nous immerger dans l’univers du gentleman cambrioleur. Quant à l’auteur, Takashi Morita, il est principalement connu pour son adaptation de l’œuvre de Maurice Leblanc. Les recherches n’ont pas mis en évidence d’autres mangas notables à son actif.

La France de la Belle Époque
Cette collection de mangas reste fidèle à l’œuvre originale de Maurice Leblanc. L’auteur japonais commence à nous guider en commençant sur un paquebot naviguant entre New York et la France, puis dans le Paris de la Belle Époque. Tant par les planches que par les textes, il n’y a aucun doute : nous sommes proches de l’écrit du début du XXème siècle. On se retrouve très vite immergé dans la ville d’antan, où l’art et le luxe se rencontraient, là où la vieille noblesse française avait donné la place aux nouveaux riches, aux familles aisées et à ce que l’on appellerait maintenant la jet-set. Les rues et les bâtisses dégagent tout le raffinement, les tenues sont tout droit sorties des gravures des modistes d’antan et l’on peut agréablement imaginer les intonations des dialogues à la façon des Chroniques des Bridgerton.

Arsène Lupin, le gentleman cambrioleur
L’univers nous fait découvrir Arsène Lupin, le héros de cette saga connue depuis plus d’un siècle. Lupin est un jeune homme issu de milieux modestes, agissant avec la classe et la finesse des riches familles sans pour autant en être issu. Il agit, parle et s’habille tel un dandy moderne et français. Mais derrière cette apparence impeccable se cache un cambrioleur aux techniques exceptionnelles, se hissant sur le podium des bandits ingénieux et raffinés, aimant l’art et les belles choses. On peut même le comparer à Robin des Bois, bien que ce dernier soit plus altruiste qu’Arsène Lupin. Notre gentleman cambrioleur agit beaucoup plus pour la beauté et l’élégance du geste, et par défi intellectuel que par altruisme. Néanmoins, tout comme Robin des Bois, il vole les riches.

L’Inspecteur Ganimard, binôme malgré lui
Vous connaissez peut-être la série FBI : duo très spécial (en version originale : White Collar) où l’agent du FBI Peter Burke traque l’escroc élégant (un dandy du XXIème siècle) Neal Caffrey, eh bien, ici nous trouvons l’inspecteur Ganimard, l’adversaire d’Arsène Lupin. Loyal, tenace et honnête, il tombe bien souvent dans les pièges de Lupin ou en devient l’un des instruments, et ce malgré lui. On remarque qu’il a parfois de l’admiration pour le cambrioleur, ce dernier étant beaucoup plus rusé que lui. Il devrait s’émanciper des carcans et des procédures strictes de la police pour réussir à déceler les techniques créatives. Mais les deux hommes, bien qu’adversaires, ont une relation empreinte de respect mutuel.

Une ambiance cozy
Ce manga fait partie de ceux que l’on lit emmitouflé dans un plaid, habillé d’un hoodie, d’un pantalon de jogging avec des chaussettes en laine et une tasse de thé ou de chocolat chaud, en résumé : une ambiance cozy. Difficile de mieux décrire l’ambiance, un dessin au charme désuet d’antan couplé à des dialogues d’époque. On plonge vraiment dans cette ambiance Belle Époque, où l’élégance rencontre l’innovation, comme avec la Tour Eiffel, et l’art de vivre est empreint d’une certaine légèreté d’esprit. L’ambiance est celle des boulevards parisiens illuminés, où l’électricité supplante les lampes à gaz, les femmes portent des corsets pour affiner leur taille en mettant de magnifiques robes longues, et se coiffent d’un chapeau, de préférence à plumes. Les hommes, canne à la main, portent redingote et chapeau haut-de-forme, arborant une moustache taillée par un barbier et soigneusement cirée tous les matins. Pour Paris, c’est la naissance du cancan et des Folies Bergère, l’avènement des cabarets et du quartier de Montmartre. L’architecture est de type Art nouveau, avec des courbes florales en fer forgé et des vitraux colorés. C’est un peu une période d’insouciance et de beauté simple et élégante, cozy quoi…

Au niveau narratif et graphique : ça donne quoi
Ce manga est un savant mélange de traditions européennes et japonaises. C’est ainsi que nous retrouvons des dialogues empreints de l’œuvre originale, tant sur les tournures que le vocabulaire utilisé. On pourrait fortement penser que le manga a été édité au début du XXème siècle. Quant à l’aspect graphique, on retrouve tous les codes et l’ambiance de la Belle Époque, mêlant un dessin proche des gravures de l’époque mais avec les codes du manga, comme par exemple dans l’expression des personnages ou la présentation des actions, qu’elles soient verbales ou non verbales.

Et finalement ?
Comme vous l’avez compris, c’est un univers que j’affectionne particulièrement. Je suis peut-être un peu plus critique lorsqu’il s’agit d’une adaptation d’un classique de la littérature quj passe aux codes du manga. Il s’agit ici d’une transformation brillamment réussie, permettant de faire découvrir l’œuvre originale de Maurice Leblanc à des lecteurs qui ne sont pas forcément adeptes des romans. J’irais même jusqu’à dire que l’auteur n’a pas dénaturé l’histoire originale, adaptant son coup de crayon, comme si le manga avait été écrit et dessiné au début du XXème siècle. Je me réjouis d’avance de lire la suite et espérerais presque qu’il transforme les histoires de Agatha Christie, comme Le Crime de l’Orient-Express ou de Sir Arthur Conan Doyle avec par exemple Le Chien des Baskerville.

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