Une nouvelle mangaka sur la scène française
Le premier tome de cette nouvelle série qu’est Ashes va vous surprendre. Je ne sais pas par où commencer tant j’ai aimé ce manga. Il se situe entre un shonen et un seinen, le côté shonen dépeint par un protagoniste adolescent avec une quête d’émancipation paternelle, le côté seinen pour son approche plus dark fantasy, ses réflexions sur la société et la trame politique en arrière-fond. C’est un savant mélange très agréable à lire. Son autrice, Stéphanie Le Chevalier, a eu un parcours bien atypique avant de nous offrir cette perle. Elle est titulaire d’un bac pro en animalerie, elle a notamment travaillé sept ans comme femme de ménage avant de se tourner vers sa passion, les mangas, en rejoignant l’École Internationale du Manga et de l’Animation (EIMA). Son parcours, certainement très résumé, est d’autant plus surprenant en découvrant son travail. Le tome 1, paru le 16 mai 2025 aux Editions Ankama, nous offre 248 pages, dont 6 en couleurs, nous permettant ainsi d’apprécier encore plus la finesse de ses détails.

Les destins liés de Jacquesaint et de l’usine Beaufort
Tout nous ramène à une catastrophe qui s’est déroulée il y a dix-sept ans. À l’époque, l’usine Beaufort explose et plonge la ville de Jacquesaint dans le chaos. Suite à cela, la ville se voit répartie en sept secteurs avec des états actuels de délabrement plus ou moins avancés. On découvre dans ce premier tome les équipes de ramoneurs qui sont chargées d’entretenir les infrastructures afin de limiter la pollution. Parallèlement, l’auteure nous place la Velmette Factory, une société qui a pris le contrôle de la ville et gère, par l’intermédiaire de ses chefs de secteurs, sa population. Ce premier opus nous dévoile progressivement le passé, mais les zones de flou restent nombreuses, nous permettant d’apprécier petit à petit toute l’ampleur des problématiques…

Ben Farein, le ramoneur qui veut devenir calife à la place du calife
Notre protagoniste répond à tous les clichés du jeune adulte. Ben débute ce premier tome comme apprenti ramoneur, une profession très importante dans cet environnement envahi par les cendres et la suie. Il est déterminé à gravir les échelons et devenir le chef du secteur 3, mais c’était avant qu’il ne se retrouve face à sa quête : découvrir ce qui s’est passé il y a dix-sept ans et pourquoi un monstre de cendres a pénétré la ville. Est-ce qu’il souhaitera encore vouloir devenir chef de secteur ? L’avenir nous le dira.

Anne et Hans Farein, les parents aimants et exigeants
Les parents répondent à tous les clichés du genre. Anne est l’archétype de la mère aimante, qui souhaite le meilleur pour son fils et qui prend soin de lui. Elle est aussi celle qui essaie de tempérer son mari, Hans. Ce dernier est le chef du secteur 3, mais en plus d’être le père de Ben, il est son patron. On le sent partagé entre donner sa chance à son fils et le protéger contre un danger encore plus ou moins inconnu. Le père, en bon patriarche, se doit également de prendre des décisions qui ont certainement un intérêt primaire de protection de sa famille.

Monie et Orin, les fidèles acolytes
On n’a rarement de bonne intrigue avec un protagoniste solo. Beaucoup de duos existent, comme Sherlock Holmes et le Dr Watson, Robert Langdon et Sophie Neveu (Da Vinci Code) ou encore Batman et Robin. Toutefois, dans Ashes, nous sommes au bénéfice de deux acolytes. Comme le trio Harry, Ron et Hermione dans la saga Harry Potter, ici on a Ben avec Monie et Orin. Ces deux derniers sont des collègues de travail proches de Ben, tous deux aussi ramoneurs. Nos deux acolytes vont accompagner, avec force et conviction, notre protagoniste dans sa quête de vérité et de vengeance. Monie est une jeune femme dotée d’une forte vivacité et opérant déjà professionnellement comme ramoneuse. De l’autre côté, Orin est le type d’homme expérimenté, plus âgé et loyal envers ses consœurs et confrères. Il est surprenant de se trouver ici avec un trio d’âge différents, car nous sommes plus habitués à ce que la personne d’âge mature soit le guide initiatique et non l’acolyte, mais ça se complète bien dans le récit.

La toute puissante famille Velmette
On ne sait pas encore comment cela a pu arriver, mais la famille Velmette, propriétaire de la Velmette Factory, a pris le contrôle de la ville. Depuis quand ou son implication dans l’ancienne usine Beaufort sont des questions qui restent encore ouvertes. Elle nomme les chefs de secteurs et vit dans sa tour d’ivoire, comme de véritables aristocrates, loin de tous les problèmes de la basse population. On fera, au fil des chapitres, la connaissance d’une partie de cette toute puissante famille, retraçant petit à petit son passif et surtout le comportement de ses membres.

Mais encore ?
Au fur et à mesure de l’avancement de ce manga, de nouveaux personnages, actuellement plutôt secondaires, apparaissent et nous aident à comprendre la complexité de l’univers et du microcosme de la ville de Jacquesaint. On y trouvera notamment des membres des autres secteurs ainsi que des… surprises.

Au carrefour des genres
Détaillons tout d’abord le côté shonen. En effet, on se retrouve avec un adolescent qui est apprenti ramoneur, qui fait sa quête initiatique afin d’évoluer socialement, tout en prouvant à son père ce qu’il vaut.
Puis vient la strate de dark fantasy. On se trouvera confronté à une ambiance générale sombre, un monstre de cendres et un monde de castes et de politiques cruelles, où bêtes et humains se côtoient. Étant au premier tome, il est encore difficile de voir si les liens entre le monstre et les habitants ont un tissage plus profond que juste la sempiternelle guerre du bien et du mal.
Ensuite, on explore quelques codes de l’esthétique steampunk, comprenant une ville très industrielle du 19ème siècle, la mécanique, une référence au Londres victorien enfumé et une organisation stricte de la vie sociale (la toute puissante Velmette Factory).
Finalement, le genre post-apocalyptique s’invite avec une catastrophe qui s’est déroulée il y a dix-sept ans et qui influence encore la ville, un environnement de vie très hostile et pollué, une société répartie pour en garder le contrôle, un monstre de cendres et la quête de vérité afin de comprendre vraiment le « pourquoi » de la situation actuelle.

Le scénario et le visuel : on l’adore !
Je me suis délecté d’une traite de ces 248 pages, les dévorant d’un coup, dans le train, en rentrant à la maison après un weekend à Mulhouse (France/Alsace). L’univers général est posé dès les premières pages, on comprend rapidement la position des ramoneurs dans la société puis on nous dévoile des compléments petit à petit, amenant des pièces supplémentaires dans notre puzzle de la compréhension. En comparaison à certains mangas, bien que Stéphanie Le Chevalier cumule ici les casquettes de scénariste et de dessinatrice, cette dernière nous offre un scénario riche, tant sur la quantité que sur la qualité, avec une trame bien construite et un suspense bien dosé, et même le fameux cliffhanger qu’on aime détester. Côté dessin, ses planches sont magnifiquement illustrées, tant dans les 6 pages en couleurs que celles en noir et blanc. Qu’importe la couleur d’impression, la finesse du trait, des détails et de l’ambiance sont remarquablement bien retranscrites. J’aime également la french touch avec une utilisation des codes du manga. On remarque très vite qu’il n’a pas été dessiné au Japon, mais c’est très bien ainsi !

Et finalement ?
Si vous souhaitez un livre au carrefour des genres, vous familiariser avec différents courants, ce manga est fait pour vous ! Vous voulez plonger dans un univers qui a ses propres codes et ses propres personnages, avec une trame agréablement déroulée, une fois de plus, il est fait pour vous. Vous l’aurez constaté, je l’ai adoré. Je ne suis pas en mesure de le comparer à une série connue et d’imaginer son ascension, mais à mon avis, Stéphanie Le Chevalier nous offre une nouvelle approche du manga, mêlant codes traditionnels et modernité.

En Europe, c’est ici.

Auteur

Avatar de Thot Blackwood

Article écrit par

Laisser un commentaire