Le genre du true crime est à la fois populaire et controversé. En plus de nourrir notre obsession pour les histoires abracadabrantes, elle permet, entre de bonnes mains, d’en tirer des sujets de réflexions sur la nature et la condition humaine. Disney+ nous livre la minisérie en 8 épisodes intitulée The Twisted Tale of Amanda Knox, qui raconte les mésaventures en Italie de cette dernière.

Condamnée à tort
Amanda Knox, une étudiante américaine en Italie, voit sa vie bouleversée après le meurtre de son amie et colocataire Meredith Kercher. Alors qu’elle espérait aider à trouver le coupable du crime, elle devient rapidement l’accusée numéro 1, et tente alors de défendre son innocence devant des policiers, un jury et un public qui ont déjà tiré leurs conclusions..

Vous avez le droit de garder le silence : servez-vous-en.
Voilà la première leçon de la série. Il est commun pour les policiers d’encourager un suspect à parler sans la présence d’un avocat. Dans un cas idéal, cela inciterait une personne coupable à se contredire et s’échapper, là où un avocat aurait filtré ses paroles. L’ennui, c’est que même innocent, cette méthode peut se retourner contre nous. Dans le cas de la série, les policiers ont projeté leurs projections des faits sur leurs suspects (avec des méthodes plus que discutables) pour leur faire dire ce qu’ils voulaient.

L’anti Law & Order
Il est commun pour les films et séries (surtout américaines) de voir des policiers employer des méthodes d’interrogations plus que contestables pour obtenir la confession de criminels odieux, dans l’optique que « c’est un mal nécessaire pour ce genre de mécréants ». Dans la série, par contre, on voit que ces mêmes méthodes peuvent être utilisées pour condamner un innocent. Ce qui change vraiment la dynamique est le point de vue du spectateur. Dans les séries comme Law & Order, on suit le policier qui essaie de résoudre le mystère. Dans la série, on suit une jeune étudiante, apeurée, interrogée dans un pays dont elle comprend à peine la langue, et ne comprend pas la majorité de ce qu’on lui dit. Ce changement de perspective, en plus de nous attacher au personnage d’Amanda, nous fait remettre en question les différentes techniques d’interrogatoire que nous tenons pour acquis dans les histoires policières.

Le procès de la meilleure histoire
Un thème récurrent dans la minisérie était l’importance de l’histoire et du narratif. Au départ, on montre les policiers qui bâtissent une hypothèse sur le meurtre et, au lieu de vérifier la validité de celle-ci, tentent de le justifier et le prouver par n’importe quel moyen.
Lors du procès, les procureurs et les avocats de la défense présentent différentes versions des événements qu’ils essaient de vendre au jury. Pour cela, ils vont utiliser des détails de l’histoire qui peuvent paraître insignifiants, utiliser les biais et préjugés de leur auditoire à leurs avantages, utiliser des coups bas pour empêcher l’autre camp de se préparer…

Cette partie de l’histoire n’était pas sans me rappeler, entre autres, le procès Depp-Heard, ceux dans la série Lakay Nou que j’ai vu il y a deux mois (une avocate se voit contrainte de défendre des criminels à un moment donné), ou celui que Brigitte Jobin relate dans une biographie que j’ai récemment terminée (je vous laisse chercher le sujet de celle-ci, pour public averti). Dans tous les cas, la série sur Amanda Knox nous questionne sur la validité des résultats d’un procès, et sur la véracité de l’histoire qu’on nous vend. Ce qui nous mène au prochain point…

Le tribunal du public
En lien avec la recherche de la meilleure histoire et des biais de l’auditoire, la série explore comment le public parvient à condamner Knox (et deux de ses proches) avant même qu’ils ouvrent la bouche. Que ce soit par les normes sociales puritaines des années 2000, le décalage culturel d’une Américaine en Italie, ou les préjugés parfois misogynes et racistes du public (une des deux autres personnes originairement arrêtées avec Knox est d’origines congolaises), le public avait déjà une image négative d’Amanda Knox, que les policiers et les procureurs utilisaient à leurs avantages.

Les nouvelles enchérissaient sur le tout avec des articles aux titres sensationnels, et divers groupes en profitaient pour avancer leurs idéaux sociopolitiques, comme en condamnant les « bandes dessinées japonaises qui rendent psychopathes » (l’otaku en moi fut offusqué par ce point). Ce point me rappelait le plan du méchant de Scream 2 (excuser ses crimes en prétendant que « les films d’horreur l’ont rendu violent »).

Toujours en suivant le point de vue d’Amanda, la série nous démontre sa frustration de ne pas être comprise par le public, qui la condamne selon des normes sociales qui de nos jours paraissent anodines.

Conte sensationnel ou vérité monotone?
La série est frustrante… dans le bon sens. Vu qu’on suit le personnage principal dans ses injustices, l’histoire accomplit bien sa mission de nous mettre dans sa peau et de vivre ce qu’elle ressent.
Mais la partie la plus frustrante de l’histoire est… que la solution au crime était là devant eux. Que le coupable du crime était évident avec le recul, ainsi que les motifs et les circonstances… L’ennui, c’est que cette histoire, comparée à celle que les policiers, les procureurs, le jury et le public avaient déjà créée dans leurs têtes, était… très banale. Simple. Sans intérêt. Moins vendeur. Alors, de la même manière que plusieurs embrassent les théories de complot à la nature chaotique de notre monde, on se réfugiait dans le conte de fées que tout le monde s’était créé sur Amanda Knox. Une citation qui m’avait marqué du film était « Vous [les journalistes] décidez ce qui intéresse le peuple et leur en nourrissez. »

Une série efficace
La série accomplit bien sa mission de nous présenter les faits du point de vue d’Amanda Knox, en employant divers procédés narratifs au passage. En plus de vous faire réfléchir aux autres cas de procès que vous connaissez, elle vous questionne sur différents enjeux reliés au système judiciaire, notre relation avec les médias, et nos propres biais. (En plus de ce qui est mentionné plus tôt, il est aussi ironique pour moi de voir cette série pendant que je révisais les vidéos Crash Cours sur la littératie médiatique sur YouTube. Oui, j’ai choisi un moment particulier pour voir la série.) Cette série vous peinera, vous frustrera, vous mettra en rage… et c’est pour cela que je vous la recommande.

Merci à Disney pour la projection en avant-première.

Pour écouté la série télé, cliquez ici.

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