Bonjour à tous, ici Thibni, votre sous-fifre attitré du Dieu Geek !
Je présente la suite du manga qui m’a offert ma toute première bouchée dans l’univers du Josei — un modèle qui me sort complètement de ma zone de confort, étant d’avantage un fanatique des écritures Shonen et Seinen. Malgré mes quelque réticences à sortir de ma zone de confort, il est un honneur pour moi de vous présenter la continuation de cette série sublime sur l’amour de la nourriture ainsi que la découverte intérieure d’un besoin d’un cri du cœur profond provenant de deux jeunes femmes avec un désir de partager un plat somptueux.

L’amour est au menu (Tsukuritai Onna to Tabetai Onna, littéralement La femme qui veut cuisiner et celle qui veut manger) est une œuvre signée Sakaomi Yuzaki, publiée au Japon en 2021 par Kadokawa Corporation. Trois tomes sont actuellement disponibles (avec le quatrième qui sort très bientôt et le cinquième en production), et c’est avec bonheur qu’on peut enfin les savourer au Québec depuis le 17 Janvier 2025, grâce à l’éditeur AKATA.

À contre-norme, à demi-mot
Nomoto continue d’apprivoiser son amitié naissante avec sa voisine, Kasuga. Dans ce tome, nous plongeons plus profondément dans son désenchantement face aux normes sociales, en particulier celles qui glorifient le couple homme-femme comme une évidence universelle.

À travers ses interactions et les non-dits de son quotidien, on découvre la frustration croissante qu’elle ressent, notamment face aux projections de sa propre mère, qui attend d’elle qu’elle suive un chemin tout tracé. Ce qui pourrait sembler anodin aux yeux du monde devient ici le cœur battant d’un malaise ancien, d’une contradiction vécue depuis l’enfance : celle d’être une femme dans un moule qui ne lui convient pas.

C’est dans cette tension que se tisse, tout en douceur, une amitié de plus en plus essentielle avec Kasuga. Ni coup de foudre, ni passion interdite : plutôt une présence qui apaise, une tendresse qui désarme. Entre confidences nocturnes et blessures à demi-mots, ces deux femmes que tout oppose commencent à se reconnaître, à leur rythme.

Ce deuxième tome aborde avec justesse et sensibilité les attentes souvent silencieuses que la société place sur les épaules des femmes, et la douleur intime de celles qui ne s’y reconnaissent pas. C’est un récit sobre, profondément humain, qui célèbre la liberté d’être soi-même… et la beauté d’une complicité hors des sentiers battus.

Narration au goût du cœur
Ce bijou narratif signé Sakaomi Yuzaki nous offre une lecture à la fois sobre et profondément chargée de sens. L’autrice déploie ici une plume délicate, presque silencieuse, pour mieux laisser parler les émotions et les non-dits, comme une recette subtilement dosée au gré des contrariétés intérieures.

Le rythme volontairement lent de l’histoire, souvent entrecoupé par la présentation minutieuse de plats, agit comme une respiration. Ces moments de cuisine, loin d’être anodins, sont empreints d’un silence éloquent, chargé d’émotions à peine contenues. Ils permettent au lecteur, comme aux personnages, de digérer en douceur certaines vérités plus difficiles à avaler.

Sakaomi Yuzaki démontre ici un véritable talent de narration méthodique, où chaque geste, chaque regard, chaque plat, participe à l’élaboration d’un lien. Une narration aussi fine et légère qu’une plume… mais qui laisse une empreinte durable.

Saveurs d’âme et d’identité
Alors que le premier tome nous offrait une présentation encore en surface des personnages, ce deuxième volet nous propose un véritable plongeon au cœur de l’essentiel : l’amour et la nourriture. Cet amalgame délicat donne naissance à une exploration riche de la découverte de soi à travers la relation et la dégustation, comme si chaque plat servait aussi à révéler un pan de l’identité.

Les personnages, notamment Nomoto, sont abordés avec une touche sensible, parfois teintée de mélancolie, alors qu’elle tente jour après jour de concilier ses désirs encore flous avec sa passion et les attentes qui pèsent sur elle. Ce qui rend cette narration particulièrement émouvante, c’est la résonance subtile entre ses propres doutes et ceux, plus discrets mais bien présents, de Kasuga. L’évolution de leur amitié se fait sans heurts ni éclats, mais avec une profondeur croissante et authentique.

Ce qui provoque le tiraillement dans ce tome n’est pas un antagoniste classique, mais plutôt une tension intérieure : celle de devoir céder aux normes sociales, face au besoin profond de s’en détacher pour mieux se découvrir. Dans un monde où il devient de plus en plus difficile de se situer — ou même d’oser espérer trouver sa voie — cette œuvre propose une évolution humaine, crédible et douce, sans forcer le trait.

La tendresse du trait, la noirceur du fond
Ma plume se fera plus discrète ici, car je n’ai ni reproches, ni remarques critiques à formuler. Le style visuel de ce deuxième tome demeure fidèle à celui du premier, tout en conservant une justesse tranquille qui s’aligne parfaitement avec les intentions de l’éditeur et du ton du récit.

Le trait est souple et suggestif, oscillant entre la rudesse émotionnelle des thèmes abordés et la douceur veloutée qui habite les personnages. L’autrice maîtrise cet équilibre fragile, jouant sur les nuances comme un chef sur ses épices. Certaines scènes visuellement plus sombres traduisent la profondeur des pensées de Nomoto, comme si la noirceur de l’encre elle-même portait la charge mentale du personnage.

Il n’y a ni explosion graphique ni exagération dynamique — mais plutôt une sobriété expressive, où chaque regard, chaque silence dessiné, participe à la narration. Les visages sont expressifs sans fioritures, et les ambiances, parfois rugueuses, laissent filtrer une lumière discrète : celle de la bienveillance, d’un réconfort possible, quand une main tendue suffit à briser l’isolement.

Quand la lecture devient introspection
Ce tome m’est apparu comme une œuvre chargée d’émotions profondes, à la fois positives et négatives, mais toujours présentées avec justesse. Il m’a véritablement invité à une réflexion sincère et suggestive sur les thèmes abordés, notamment en ce qui concerne les normes, les attentes sociales, et l’exploration intime de soi.

En tant qu’homme, il ne m’est pas toujours évident de saisir le rythme ou la subtilité de certains développements plus « féminins » dans leur traitement. Mais ici, tout est raconté avec un réalisme si touchant et naturel que je n’ai eu d’autre choix que de faire des pauses, de laisser décanter, et de réfléchir à certaines réalités qui, jusque-là, m’échappaient en partie.

J’aurais pu être tenté de faire un parallèle avec Delicious in Dungeon, une œuvre animée que j’admire pour sa richesse émotionnelle et son dynamisme. Mais ce serait une comparaison trompeuse. Là où Delicious in Dungeon nous sert une aventure généreuse et pleine d’action, L’Amour est au Menu nous propose plutôt un apéritif sensible, délicatement épicé, préparant l’âme à un plat principal bien plus consistant et introspectif.

Bien plus qu’un simple menu
À toutes celles et ceux qui cherchent une histoire intime, douce et vraie, où les silences comptent autant que les mots.
Parfait pour les lecteurs et lectrices qui aiment les récits de découverte de soi, les amitiés profondes, et les émotions qui mijotent lentement, loin des clichés.

L’Amour est au Menu, c’est bien plus qu’une histoire de cuisine : c’est un appel à s’écouter, à se comprendre… et peut-être, à se trouver. Je vous invite et vous recommande fortement de vous le procurer dans votre librairie la plus proche (ou en ligne!). Et surtout… n’ayez pas peur de goûter à quelque chose de nouveau. Comme moi, vous pourriez être surpris par la richesse qu’un Josei peut vous offrir.

Merci à Interforum pour la copie du livre.

Pour se procurer le manga, c’est ici.

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